Comment définiriez-vous une émotion ? Pour notre utilisation, nous prendrons la définition volontairement très large d’un état mental qui a une composante physique. Ainsi penser à des mathématiques comptera comme pensée, les sensations de la tasse de café chaude dans la main compteront comme des sensations, et tout ce qui se trouve entre les deux pourra être regardé comme une émotion.

🐒 Les émotions, en plus de nous faire sentir vivant·e, ont pour utilité de nous connecter à nos besoins et envies, de nous permettre de nous orienter et de réagir rapidement à notre environnement. C’est le cas des émotions plaisantes, comme la joie qui peut nous pousser à des comportements pro-sociaux ou la tranquillité qui nous fait sentir qu’une situation est saine pour nous, comme des émotions inconfortables, comme la colère qui nous permet de poser des limites fermes ou la peur qui veut nous protéger d’une situation. Elles sont un moyen rapide de synthétiser une situation et un élan de réponse – un avantage évolutif !

✉️ On peut considérer chaque émotion comme un messager qui nous apporte un message. Ce message ne ment jamais, dans le sens où s’il apparaît c’est qu’il y a vraiment une part de nous qui a un besoin qui s’exprime – par exemple, de la jalousie qui viendrait exprimer une insécurité vraiment ressentie. En revanche, rien ne dit que cette part a une vision qui correspond à la réalité extérieure ! Notre pratique consiste donc à prendre note du message sans y réagir en mode pilote automatique : on retrouve le slogan « je ne suis pas mes émotions, j’ai des émotions », ou « je ne suis pas que mes émotions ».

⚓️ C’est notre réaction au message qui vient déterminer notre rapport à l’émotion, plutôt que sa qualité plaisante ou inconfortable : si nous ruminons (relisant le message encore et encore, entretenant la boucle émotion => pensée => émotion…) ou si réagissant sans présence (par exemple en ayant des paroles dures sous le coup de la colère que l’on regrette ensuite) nous sommes en mode réaction automatique. La pleine conscience nous invite à muscler notre capacité à être avec le message tel qu’il est, respirer avec, puis répondre depuis un endroit de liberté.

🏄️ La pratique consiste à regarder couler la rivière des émotions, se laisse sentir ce qui est là sans chercher à le modifier. On vient ainsi renforcer notre Intelligence Émotionnelle[1]Comme le montrent de nombreuses études, voir par exemple la revue systémique suivante : Picon et al, 2021 – The Relationship between Mindfulness and Emotional Intelligence as a Protective … Continue reading et diminuer l’épuisement émotionnelle, nous faire comprendre nos mécanismes internes (si je ne me laisse pas sentir ma colère ou frustration, je ne peux ne pas voir que c’est de la douleur qui se cache derrière, et donc pas prendre soin de l’endroit qui en a vraiment besoin). Savoir que nous sommes capables d’être avec des émotions très inconfortables nous donne également assez confiance pour nous ouvrir à ressentir des émotions plaisantes et vulnérables, comme lorsqu’on tombe amoureux, sachant que si les choses changent nous sauront être avec aussi.

🧘 Enfin nous avons vu la pratique formelle de pleine conscience des émotions – utilisant des étiquettes pour savoir ce qui est là sans s’y perdre (la première étiquette est la bonne, 90% de l’attention restant sur ce qui est étiqueté), ancrant dans les sensations liées aux émotions, et suivant le paysage intérieur. Toute émotion y est bienvenue : contentement, confusion, impatience, frustration (de ne pas voir plus d’émotions ? C’est une émotion !), tranquillité…

🌱 La plupart des gens tombent quelque part sur le spectre alexithymique (qui ne ressent pas consciemment d’émotion) <=> hypersensible (qui est embarqué·e facilement par la force des émotions ressenties) et cette pratique vient cultiver l’équilibre et ramener au milieu, à la fois sensibilisant le coté alexithymique aux mouvements émotionnels subtils et apprenant au coté hypersensible à laisser les émotions changer sans s’y perdre.

💡 Quelques astuces s’il n’y a pas d’émotion évidente pendant la pratique formelle :

  • c’est fréquent, surtout au début, et il est parfaitement ok de répéter simplement l’étiquette « neutre » ou « calme » pendant toute la pratique
  • si l’étiquette « calme » est répétée, est-ce exactement la même nuance de calme qu’il y a 30 secondes ? Si c’est légèrement différent c’est par définition que le paysage émotionnel a subtilement changé – qu’est-ce qui a changé ?
  • il est possible d’essayer des étiquettes même sans être complètement sûr·e pour voir si par contraste le paysage devient plus clair (« « contentement » ? Non, ça n’est pas exactement ça, peut être plutôt « paisible » ? Oui ça colle mieux, c’est une nuance de paisible. … Et maintenant ? »)
  • rester à étiqueter les sensations dans le torse, particulièrement le long de la verticale centrale, qui est généralement là où les sensations émotionnelles se montrent (« contraction », « espace », « pulsation »…) ainsi que leur forme

References

References
1 Comme le montrent de nombreuses études, voir par exemple la revue systémique suivante : Picon et al, 2021 – The Relationship between Mindfulness and Emotional Intelligence as a Protective Factor for Healthcare Professionals: Systematic Review – lien.