Comment méditer… les jours où on n’en a pas envie ?

3 techniques pour méditer tous les jours où on n’en a pas envie, et une astuce imparable pour quand rien ne fonctionne

Mise en situation: cela fait un mois et demi que vous pratiquez la méditation de pleine conscience 15 minutes tous les jours (peut être après avoir terminé l’une des formations à la pleine conscience). Et vous voyez des bénéfices : vous remarquez plus de calme, un meilleur sommeil, une diminution des mauvaises habitudes et des pics de stress qui passent plus vite. Vous savez que cela vous fait du bien mais voilà : aujourd’hui, vous n’avez pas envie de méditer.

Je voudrais vous dire que 1/ c’est normal ! Tous les pratiquant·es ont des jours comme ça. Vos outils les plus puissants pour travailler avec seront la compassion, et considérer que c’est une opportunité d’apprendre. Et 2/ vous pouvez agir dans ces situations ! Dans cet article vous trouverez trois puissantes techniques pour travailler avec : Prévoir court, Suivre l’inconfort, Changer le décor.

Technique 1 : « Prévoir court »

Bien souvent quand il y a une résistance à la pratique, c’est qu’il y a une émotion présente qu’on n’a pas envie de regarder (du stress, de l’ennui, de la peur). Notre esprit, qui sait que si l’on se pose pour méditer nous allons y être confronté, vient rationaliser notre évitement en racontant plein d’histoires. Ça peut être « aujourd’hui je n’ai pas le temps », « ça n’est pas grave de manquer un jour », « demain j’en ferai deux fois plus » – plein d’histoires qui ne sont, si on regarde de plus près, pas vraiment ancrées dans la réalité.

« Prévoir court » c’est une façon de rassurer cette part en nous qui n’a pas envie de regarder, d’accueillir l’émotion. C’est dire « d’habitude je fais 15 minutes, et là je vais faire 5 minutes, ou 3 minutes, ou même 1 minute, et voir si j’ai envie de continuer à la fin ».

A cette perspective d’un temps plus court, bien souvent on remarque une diminution de la résistance – cela fait moins peur. L’esprit se rassure : « D’accord pour 3 minutes. Si jamais de l’ennui se montre, je survivrai à 3 minutes ». Cela nous permet de nous asseoir et commencer à pratiquer. Or c’est l’étape la plus difficile, c’est l’inconnu qui fait peur ! On projette, on se dit que ça va être très dur. Et en fait une fois qu’on s’assoit et on est avec, on se rend compte que ça va.

Et à la fin des 1, 3, ou 5 minutes, voyez : est-ce que vous avez envie de continuer, ou est-ce que vous vous arrêtez là ? Si vous vous arrêtez, vous vous arrêtez et c’est bien comme ça. Peut être pourrez-vous refaire une autre pratique courte pendant la journée, profitant de leur coté plaisant, ou bien c’est assez pour aujourd’hui.

Souvent néanmoins, la résistance à méditation en fin de courte pratique n’a rien à voir avec ce qu’elle était avant de commencer. Vous avez alors l’opportunité – précieuse ! – de continuer pour le plaisir. Vous avez « Prévu court » et fait votre temps imparti, votre travail est fait. Est-ce qu’il y a quelque chose d’agréable à continuer de pratiquer être dans le présent de cette manière ? C’est l’occasion d’explorer la pratique non pas comme une contrainte extérieure mais comme quelque chose de vivant pour vous en cet instant, de vous connecter à ce qu’il y a d’agréable dans la pratique.

Rendre les choses agréables, un excellent antidote au manque d’envie de méditer !

Technique 2 : « Suivre l’inconfort », ou le judo intérieur

Lorsque vous n’avez pas envie de méditer, il y a par définition une sensation désagréable qui vous empêche de méditer, une résistance, un inconfort. Quand cet inconfort est intense, si vous essayez de pratiquer votre technique de méditation habituelle et de l’ignorer – en suivant la respiration par exemple, ou en mettant votre attention ailleurs dans le corps – l’expérience va être très désagréable. Vous aurez l’impression d’ignorer quelque chose de volumineux, ce qui va prendre beaucoup de place.

Vous pouvez à la place essayer de « Suivre l’inconfort ». C’est dire que « d’accord je vais méditer, mais ma pratique consistera juste à accueillir cet inconfort, en faire mon objet de méditation, et je ne vais rien essayer de faire d’autre ».

Quelque chose se relâche par cette attitude, on évite l’appréhension première qui anticipait « je vais essayer de suivre ma respiration mais être distrait·e et me juger, et je n’ai aucune envie de vivre ça ». Il y a une intelligence dans cette appréhension : bien sûr que l’esprit sera distrait et inconfortable si vous essayez d’ignorer une grosse émotion !

« Suivre l’inconfort » c’est un peu faire du judo avec notre résistance – parce qu’on peut très bien entraîner notre pleine conscience en observant une émotion inconfortable, et que si on le fait on découvre alors au lieu d’une distraction qu’on doit s’efforcer d’ignorer un objet très présent et stimulant à regarder. Que demander de plus ?

Technique 3 : « Changer le décor »

Parfois, le coussin de méditation semble comme entouré d’un champ magnétique répulsif – impossible de s’en approcher, et encore moins de s’y asseoir. C’est l’opportunité de faire preuve de créativité : puis-je entraîner la pleine conscience, être présent·e à mon expérience sans jugement, dans une autre activité ?

« Changer le décor » ça peut être sortir dehors faire de la méditation marchée, faire la vaisselle en prêtant bien attention aux sensations, faire des étirements ou du yoga en pleine conscience… Si vous essayez, vous verrez qu’il y a des activités où la résistance de l’esprit est bien moindre – il y a une exploration, un amusement joueur, quelque chose d’un peu nouveau.

Et c’est de la vraie méditation, on peut parfaitement pratiquer la pleine conscience tout en étant en mouvement, tout autant qu’assis·e ou allongé·e !

Un mot d’avertissement cependant : pour que « Changer le décor » fonctionne, il faut que vous le traitiez réellement comme une pratique de méditation. Si vous allez juste faire une balade, ou laver la vaisselle, en essayant 2 minutes d’être présent·e et ensuite plus du tout, ça ne marchera pas la prochaine fois. Votre esprit aura enregistré qu’en fait non, ça n’est pas de la méditation mais une distraction et une forme d’évitement : il faut donc vraiment essayer. Je vous recommande par exemple de mettre un chronomètre avec un gong comme vous le feriez pour votre pratique habituelle.

L’astuce imparable pour méditer tous les jours

Dans cet article, nous avons vu trois techniques à appliquer quand vous n’avez pas l’envie ou le temps de faire de la méditation de pleine conscience :

  • « Prévoir court », réduire le temps de pratique à bien plus court que d’habitude, et voir à la fin s’il est agréable de continuer
  • « Suivre l’inconfort », faire du judo avec l’inconfort en faisant de la pleine conscience de la résistance
  • « Changer le décor », pratiquer la pleine conscience dans une activité dynamique (et lui donner vraiment toute son attention)

Et si vous essayez les trois et que rien n’a marché, que le soir venu vous vous apprêtez à vous endormir sans avoir médité aujourd’hui, il vous reste la technique de la dernière chance.

Redressez-vous dans votre lit pour vous asseoir, prenez 3 respirations conscientes, et ça sera la pratique de la journée. Vous aurez médité aujourd’hui ! Bien que ça puisse sembler très simple, cela fait réellement une différence. Vous pouvez maintenant vous endormir l’esprit tranquille.

Félicitations de vous embarquer dans cette aventure qu’est explorer votre esprit. Ce site vise à soutenir ces explorations, n’hésitez donc pas à regarder si l’une des formations à la pleine conscience ou méditations guidées gratuites que je propose vous serait utile.

Je vous souhaite une très belle pratique !

Recette de gateau vegan banane-chocolat

Un excellent gateau vegan, simple et rapide à réaliser ! La recette d’origine me vient de mon amie vegan @ratonreveur (lien insta où elle poste régulièrement des recettes).

Ingrédients

Les quantités sont pour un bon gros gateau (6-8 personnes, un peu au hasard ?). Quand on est deux je fais souvent 2 tiers des quantités, et le gateau nous tient plusieurs jours. La recette d’origine avait 0.5 tasse de sucre, chaque fois que je le fais j’en mets moins et le gateau reste très bon et plus léger.

  • Ingrédients secs :
    • 3 tasses farine
    • 0.3 à 0.5 tasse sucre
    • 1 sachet levure
    • 1 cuillère à soupe de cannelle, muscade, clou de girofle
  • Ingrédients « humides » :
    • 1 cuillère à café de vinaigre de cidre (si vous n’avez pas, le gateau marche quand même)
    • 3 bananes bien mures écrasées
    • 0.75 tasse d’huile neutre (pas d’olive – je prends en général de l’huile de tournesol)
    • 1.5 tasses de lait de soja
  • 0.75 tablette de chocolat

Recette

Mélanger tous les ingrédients secs (sauf le chocolat) dans un saladier.

Mélanger tous les ingrédients humides dans un autre saladier plus grand – commencer par découper les bananes en morceaux et bien les écraser, puis ajouter l’huile et bien mélanger, puis le reste. Bien mélanger.

Incorporer le bol des ingrédients secs dans le grand saladier.

Couper la tablette de chocolat en petits morceaux – j’aime bien avoir à la fois des morceaux un peu gros (un demi-carré) et des morceaux plus petits, jusqu’à des copeaux fins.

Incorporer le chocolat dans le mélange, mettre dans un moule à gateau, c’est prêt à cuire !

Cuire 45min à 1h au four à 180°C. C’est prêt quand le dessus est doré/bruni et qu’on peut entrer un couteau dedans et qu’il ressort à peu près sec (il y aura surement un peu de chocolat fondu dessus, c’est normal, mais dans l’idéal pas trop de pate).

Mettre à refroidir et laisser dans le moule jusqu’à ce que ça soit froid, pour que la forme du gateau se fige bien en refroidissant (sinon il peut s’affaisser).

Déguster idéalement le lendemain après une nuit au frigo – je le préfère quand il a eu le temps de bien refroidir, mais on peut le manger directement aussi !

Thanks to Mattia Faloretti

Ce que pensait le Bouddha

[Traduit d’un texte écrit par Culadasa [1]Deux chapitres ont été omis: les 5 Agrégats, et les Douze Maillons de l’Origine Interdépendante., l’auteur principal de l’excellent manuel The Mind Illuminated. Le texte original se trouve ici, le site de l’auteur se trouve ici.]

Introduction

Le Bouddha enseignait, dans ses propres termes, « la Souffrance et la fin de la Souffrance».Il n’avait pas l’intention d’établir une religion, ni d’enseigner la philosophie, la cosmologie et la métaphysique, ce qu’il a répété à maintes reprises.

En fin de compte, cependant, la fin de la souffrance implique une sorte de sagesse qui englobe à la fois la nature de l’expérience humaine et la nature ultime de la réalité. Et la fin de la souffrance, la nature de l’expérience humaine et la nature ultime de la réalité sont des questions clés en religion, philosophie, cosmologie et métaphysique. Il n’y avait donc aucun moyen pour lui de guider les gens vers la fin de la souffrance sans aborder des sujets associés à tous ces domaines. En conséquence, depuis avant même sa mort, les gens ont transformé ses enseignements de sagesse en religions et les ont utilisés comme base pour une variété de philosophies, cosmologies et descriptions métaphysiques de la réalité.

Alors que le Bouddhadharma devient plus largement connu et apprécié en Occident, nous nous retrouvons attirés par de nombreuses idées qui ont une application directe à notre expérience du 21ème siècle. Inévitablement, nous voilà en train de nous tourner vers ces enseignements pour y trouver des réponses à nos propres questions religieuses, philosophiques et métaphysiques. Avant de le faire, cependant, nous devons essayer de comprendre, aussi clairement que possible, ce que pensait le Bouddha lui-même. Cela implique de dépouiller les enseignements bouddhistes que nous avons reçus de tout le bagage religieux et philosophique qui a été ajouté à d’autres époques par d’autres cultures.

Une question qui revient souvent est: «Comment pouvons-nous savoir si quelque chose que nous lisons ou entendons sur le bouddhisme reflète vraiment les propres enseignements du Bouddha.» D’un côté, il est difficile de le savoir avec certitude, mais en même temps, il existe plusieurs outils que nous pouvons utiliser. Je vais en souligner trois ici.

Tout d’abord, quand il délivra son premier enseignement à ses anciens compagnons, qui connaissaient bien les diverses doctrines spirituelles de l’époque, il a dit:

«Sont nées en moi la vision, la connaissance, la sagesse, la perspicacité, l’illumination concernant des choses jamais entendues auparavant[2][NdT] Les citations du Bouddha sont traduite par moi depuis leurs versions anglaises incluses dans le texte de Culadasa, qui sont non sourcées.

Par conséquent, toute doctrine appartenant à une autre tradition non bouddhiste, et plus particulièrement tout enseignement religieux largement accepté avant la naissance du Bouddha, devrait automatiquement être considérée comme suspecte.

Deuxièmement, les enseignements authentiques du Bouddha présentent un niveau étonnant de cohérence interne. Chaque fois que vous rencontrez une incohérence, un côté ou l’autre de celle-ci doit être écarté ou réinterprété d’une manière qui entraîne un retour à la cohérence. Lorsque vous devez choisir entre deux déclarations, choisissez toujours celle qui est la plus cohérente avec tout le reste de ce que le Bouddha a dit et fait.

Enfin, rappelez-vous que le Bouddha a hésité à enseigner après son Éveil, se disant à lui-même:

«Ce Dhamma que j’ai atteint est profond et difficile à voir, difficile à découvrir… impossible à atteindre par simple rationalisation, subtil, destiné à l’expérience des sages… Si j’enseignais ce Dhamma, les autres ne me comprendraient pas, et ce serait fatigant et gênant pour moi.

Assez d’enseigner le Dhamma
Que même moi j’ai trouvé difficile à atteindre;
Car il ne sera jamais perçu
Par ceux qui vivent dans la convoitise et la haine.
Les hommes imbibés de convoitise, et qu’un nuage
De ténèbres baigne, ne verront jamais
Ce qui va à contre-courant, est subtil, 
Profond et difficile à voir, abstrus.»

Heureusement, le Bouddha a décidé de passer outre et d’enseigner quand même. Mais tout ce qui semble trop simple, trop facile à saisir sans réflexion sérieuse, peut être au mieux une simplification excessive. Au pire, cela peut être une doctrine qui s’est glissée d’une autre religion. Pour autant, rappelez-vous que la pensée du Bouddha est subtile plutôt que complexe. Tout ce qui est intellectuellement alambiqué et compliqué ne vient probablement pas non plus du Bouddha. Ce qui rend parfois le véritable enseignement de Bouddha difficile à comprendre, c’est qu’il est très différent de la façon dont nous sommes habitués à penser les choses. Toute la logique derrière les enseignements du Bouddha est très simple, mais elle nous oblige à abandonner certaines hypothèses fondamentales. Si nous ne sommes pas disposés à faire cela, les enseignements sembleront impénétrables. Et si nous essayons de déformer ces enseignements pour les adapter à des idées préconçues, nous nous retrouverons plongés dans toutes sortes de rationalisations alambiquées.

La Souffrance et la Fin de la Souffrance: les Quatre Nobles Vérités

En ce qui concerne la souffrance, le Bouddha faisait une distinction entre les expériences désagréables qui proviennent du corps et le type de mécontentement et de malheur d’origine mentale. Il a souligné que c’est en fait la réaction de l’esprit aux sensations corporelles désagréables qui fait de la douleur physique une source de souffrance. De plus, toutes les souffrances que nous éprouvons autres que la douleur physique est générée entièrement par l’esprit. La signification de ceci est que, bien que la maladie, les blessures, le vieillissement et la mort soient inévitables, et qu’il ne soit pas en notre pouvoir de les empêcher d’affliger notre corps, nous avons potentiellement beaucoup plus de pouvoir et d’influence sur ce qui se passe dans notre esprit. Nous pouvons résumer cela en disant: «La douleur est inévitable, mais (avec un entraînement mental approprié) la souffrance est facultative.» C’est ce qu’on appelle la Vérité sur la Souffrance.

Le Bouddha poursuit en soulignant que la résistance à ce qui est, vouloir que les choses soient différentes de ce qu’elles sont, est associée à chaque instance de souffrance. Il souligne en outre que, lorsque nous nous trouvons en train de souffrir, si nous pouvons identifier précisément ce à quoi nous résistons et abandonner cette résistance, la souffrance disparaît au même moment. Cela peut se résumer en disant: «L’envie que les choses soient différentes de ce qu’elles sont est la cause racine de toutes les souffrances.» C’est ce qu’on appelle la Vérité sur la Cause de la Souffrance.

En ce qui concerne la fin de la souffrance, le Bouddha nous dit que notre envie[3][NdT] Craving en anglais désigne une envie impulsive ou impérieuse – comme une envie de sucreries après une journée difficile, par exemple. Pour alléger le texte, chaque fois que ce terme … Continue reading est motivée par l’ignorance et l’illusion. Tant que nous sommes pris au piège de l’illusion, notre envie continuera sans fin, ainsi que nos souffrances. Mais l’ignorance peut être éliminée grâce à une profonde Sagesse qui surmonte l’illusion dans laquelle nous sommes piégés. Une fois que nous sommes libérés de l’illusion, à la fois l’envie et la souffrance cessent également. En d’autres termes, «Quand la Sagesse amène la fin complète et permanente de l’envie, il y a aussi une fin complète et permanente de la souffrance.» C’est ce qu’on appelle la Vérité sur la Fin de la Souffrance.

Le Bouddha a tracé un chemin en huit parties menant à cette Sagesse, composé de : 1. la Compréhension Juste, 2. l’Intention Juste, 3. la Parole Juste, 4. l’Action Juste, 5. les Moyens de Subsistance Justes, 6. l’Effort Juste, 7. la Concentration Juste, et 8. la Pleine Conscience Juste. Ceci est généralement décrit comme «le Chemin Octuple vers la Fin de la Souffrance», et est également connu comme la Vérité sur le Chemin vers la Fin de la Souffrance.

Le Chemin Octuple

Le Chemin Octuple est divisé en trois parties: La première division se compose de la Compréhension Juste et de l’Intention Juste. Elle fournit une compréhension intellectuelle de la Sagesse qui surmonte l’ignorance, cette division est donc appelée celle de la Sagesse. Ici, le Bouddha expose en détail ses propres observations sur la façon dont les choses sont réellement, et nous demande de vérifier la véracité de ces observations en investiguant attentivement et en réfléchissant sur notre propre expérience. C’est là que les bases sont posées pour les deux prochaines divisions.

La deuxième division du Chemin, appelée Éthique, se compose de la Parole Juste, de l’Action Juste et des Moyens de Subsistance Justes. Ce sont des pratiques réalisées au cours de la vie quotidienne afin de changer nos manières conditionnées de voir et de réagir aux choses. Fondamentalement, en pratiquant l’Éthique, nous nous re-conditionnons loin des vues et des compréhensions erronées qui découlent de notre vision ignorante et illusionnée de la réalité.

La troisième division est la Méditation, consistant en l’Effort Juste, la Concentration Juste et la Pleine Conscience Juste. Ce sont les pratiques d’entraînement de l’esprit qui nous permettent d’avoir le genre d’expériences qui valident les vérités que nous avons étudiées et comprises intellectuellement. L’effet combiné de toutes les trois divisions, les huit parties de l’Octuple Sentier, est que nous atteignons une réalisation intuitive de la Sagesse qui met fin à l’ignorance, à l’envie et à la souffrance.

Nous apprendrons ce que pensait le Bouddha en étudiant ses enseignements sur la division de Sagesse du Chemin. Ce sont ces mêmes pensées qui ont été utilisées dans la formulation de diverses philosophies religieuses bouddhistes et systèmes métaphysiques à travers les âges. Gardez à l’esprit, lorsque vous examinez les enseignements sources, que le but premier du Bouddha était toujours plus pratique que théorique. Cela se reflète dans les différentes manières de parler et hypothèses philosophiques et religieuses qu’il adoptait en s’adressant à différentes personnes – guerriers et rois, marchands, laïcs sans instruction, ses propres disciples, brahmanes, adeptes d’autres enseignants, etc. Il serait facile de supposer qu’il était d’accord avec les croyances religieuses des personnes à qui il parlait, simplement parce qu’il ne les a pas contredites. Mais ce n’est pas nécessairement le cas. Assez souvent, plutôt que de remettre en question les croyances que quelqu’un avait déjà et de prononcer une sorte de plus grande vérité, il allait simplement à la rencontre des gens là où ils se trouvaient et essayait de les guider vers une compréhension plus juste et plus profonde. Cela peut être déroutant pour quelqu’un qui vient chercher plus tard des informations de nature absolue dans les enseignements du Bouddha, qui sont nombreux et variés. Ces derniers doivent donc toujours être interprétés dans le contexte où ils ont été donnés, en tenant compte de la personne à qui le Bouddha parlait et du point qu’il exposait à l’époque. Néanmoins, si nous faisons attention, nous pouvons toujours avoir une assez bonne idée de ce que le Bouddha pensait vraiment

Ce que Pensait le Bouddha

L’Origine Interdépendante

Au cœur même de l’enseignement du Bouddha, nous trouvons l’idée de l’Origine Interdépendante (aussi appelée «Coproduction Conditionnée»). Chaque fois que vous rencontrerez ce terme, il sera utilisé de l’une de deux manières: soit pour décrire un principe général fondamental – que toutes choses apparaissent en fonction de causes et de conditions multiples; ou comme une description spécifique d’un processus mental clé – à savoir les «douze maillons de l’origine interdépendante». Ici, nous l’abordons dans sa forme plus générale.

Nous commençons notre discussion de ce que pensait le Bouddha avec l’Origine Interdépendante parce que, dans ses sens à la fois général et spécifique, elle est la base des autres concepts spécifiquement bouddhistes du karma, de la réincarnation, de la façon dont la souffrance se perpétue et de la possibilité de s’en libérer par la réalisation de l’impermanence, de la vacuité et du non-soi. Ce sont des «concepts spécifiquement bouddhistes» en ce que, bien qu’ils partagent une terminologie commune avec d’autres systèmes de croyance, ces termes prennent une signification complètement différente dans les enseignements du Bouddha à leur sujet. Malheureusement, cela crée un grand potentiel d’incompréhension, et en effet ces malentendus sont devenus assez répandus dans les religions nombreuses et diverses que désigne l’appellation unique de «bouddhisme».

L’Origine Interdépendante dans son sens général est exprimée dans la formule simple: 

Quand ceci est, cela est.
Quand ceci se produit, cela se produit.
Quand ceci n’est pas, cela n’est pas.
Quand ceci cesse, cela cesse.

Pour la plupart d’entre nous aujourd’hui, cela semble être du bon sens. Néanmoins, très peu d’entre nous apprécient pleinement toutes les implications de ces simples déclarations. Le Bouddha était très conscient de la difficulté pour les gens de comprendre pleinement l’Origine Interdépendante. Le Ven. Ananda lui dit un jour qu’il trouvait cette doctrine évidente et facile à comprendre. Le Bouddha répondit:

«Ananda, ne dis pas cela. La doctrine de l’origine interdépendante est si profonde que les êtres sensibles sont incapables de la comprendre. Ils sont incapables de comprendre ce que j’enseigne parce qu’ils sont incapables de percevoir ce processus. Par conséquent, ils sont perplexes comme devant une pelote de laine emmêlée, un enchevêtrement d’herbes de munja. Ils ne peuvent pas se libérer de la souffrance, des états de privation, de dégénérescence et de transmigration. »

Les implications subtiles de l’Origine Interdépendante sont les suivantes:

  1. Rien se tient en dehors de la cause et l’effet.

En d’autres termes, tout ce qui arrive a une cause. Aucune exception. Rien ne peut arriver sans cause.

De plus, tout ce qui arrive produit des effets. Toujours. Rien de ce qui arrive n’est jamais sans conséquences.

Par conséquent, tout ce qui semble être «surnaturel» ou «magique» n’apparaît ainsi que parce que nous n’en comprenons pas pleinement les causes. Les lois de causalité sont jamais violées.

  1. Tout ce qui apparaît dû à des causes et des conditions doit également disparaître.

Lorsque la cause est absente, il ne peut y avoir aucun effet. Lorsqu’il n’y a aucun effet, c’est qu’il n’y a pas de cause.

Lorsque la cause cesse, l’effet disparaît également. Lorsque l’effet cesse, c’est que la cause a cessé.

Tout, ainsi, est impermanent.

  1. Tout ce qui survient le fait en fonction de plusieurs causes et conditions.

Nous pensons généralement à la relation de cause à effet comme à une relation linéaire, avec une cause conduisant à un effet. Mais tout événement réel implique en fait la présence simultanée de plusieurs causes et conditions.

Et si nous énumérons toutes les causes et conditions immédiates nécessaires à un effet particulier, chacune d’elles dépend à son tour de multiples causes et conditions. Et ainsi de suite, dans un réseau de causalité toujours plus large.

Chaque chose ou événement individuel est le noeud d’une convergence causale massive.

  1. Les causes et les effets surviennent toujours ensemble.

Nous considérons généralement la cause et l’effet comme deux entités distinctes, la cause précédant toujours l’effet.

Mais l’effet potentiel est déjà présent dans chaque cause contributive, avant même que toutes les autres causes et conditions nécessaires se soient produites. Et toutes les causes contributives sont intrinsèquement présentes dans chaque effet. La cause et l’effet ne sont pas des entités séparées, apparaissant et disparaissant les unes après les autres.

Au contraire, ils font partie d’un processus continu, avec toutes les causes contributives et tous les effets possibles intrinsèquement présents dans chaque partie du processus.

L’apparition et la disparition de «choses» séparées est une illusion. Il n’y a qu’un processus unique et continu.

  1. Tout, partout, est interconnecté causalement.

Parce que la causalité est un processus continu unique, et parce qu’absolument tout a des causes et des conditions multiples, et parce qu’absolument tout produit des conséquences multiples, tout est interdépendant de tout le reste.

L’Origine Interdépendante est parfois appelée Co-Apparition Interdépendante pour cette raison même.

Absolument tout et tout le monde est une partie interpénétrante et inséparable d’un tout unique, indivisible, causalement interdépendant, qui est le mieux décrit comme étant un processus.

La plupart des occidentaux avec une éducation scientifique se trouveront parfaitement à l’aise avec l’Origine Interdépendante en tant que principe général, mais peu d’entre eux ont jamais pleinement réfléchi aux cinq implications énumérées ci-dessus, en particulier les trois dernières.

Comme l’a dit un érudit bouddhiste, Rupert Gethin, «… le secret de l’univers réside dans la nature de la causalité – la façon dont une chose mène à une autre». Le Bouddha est arrivé à l’Origine Interdépendante en tant que principe universel à travers une combinaison de logique et d’expérience. Nous arriverons exactement aux mêmes conclusions si nous analysons soigneusement notre propre expérience du monde. Il n’est pas possible, bien sûr, d’observer tous les évènements possibles pour examiner leurs causes sous-jacentes. Ce n’est pas non plus nécessaire. Les logiciens bouddhistes ont par la suite fourni un soutien logique rigoureux pour cet enseignement particulier du Bouddha. Mais chacun de nous doit se convaincre par soi-même que c’est vrai.

Les Trois Caractéristiques

L’ignorance que le Bouddha a identifiée comme étant à la racine de l’envie est l’ignorance de trois faits particuliers qui caractérisent l’existence humaine. Ces Trois Caractéristiques sont:

  • l’Impermanence ( anicca en Pali et anitya en sanskrit)
  • l’Insatisfaction ( dukkha en Pali et duhkha en sanskrit)
  • le Non-soi ( anatta en Pali et anatman en sanskrit)

L’illusion créée par l’ignorance des trois caractéristiques est la croyance erronée que:

  • nous sommes des entités distinctes et durables, dans un monde d’autres entités distinctes et durables, et
  • notre souffrance et notre bonheur dépendent de ce qui nous arrive, de nos interactions avec ces autres entités.

La Sagesse qui éradique l’ignorance et surmonte l’illusion vient de la réalisation de ces Trois Caractéristiques.

L’Impermanence

L’impermanence fait référence au fait que toutes les choses conditionnées sont dans un état constant de flux [voir #2 des cinq Implications de l’Origine Interdépendante].

Souvent, nous agissons et réagissons comme si les choses étaient plus permanentes qu’elles ne le sont en réalité, devenant bouleversés et malheureux lorsqu’elles changent, même si nous savons tous et toutes que ça n’est pas utile. Ce genre d’impermanence ne nécessite aucune réalisation spéciale pour être comprise, même si cela demande plus de perspicacité que la plupart d’entre nous n’en ont de vivre en accord avec. Mais le Bouddha pointait vers une sorte d’impermanence beaucoup plus radicale qui va entièrement au-delà de celle-ci.

En réalité, il n’y a pas du tout de «choses». Pas même des «choses» existant temporairement qui apparaissent brièvement et qui disparaissent à nouveau en raison de causes et de conditions. En fin de compte, il y a seulement du flux [voir Implication # 4 de l’Origine Interdépendante], et la simple apparence de choses qui surgissent et disparaissent en changeant d’une forme à une autre. Mais ne vous y trompez pas, cela ne signifie pas que «rien n’existe». Cela signifie plutôt qu’il n’y a que du processus pur. C’est la voie médiane du Bouddha qui évite les vues extrêmes tels que «tout existe» et «rien n’existe».

Le Non-Soi

Le Non-Soi est la négation de l’idée qu’il y a une essence individuelle propre à une personne, un vrai Soi, ou Atta, ou Atman.

Il y a, bien sûr, le système unique et en constante évolution des processus psychophysiques, des phénomènes mentaux et physiques, de l’esprit et du corps que nous identifions habituellement comme étant une personne. Mais il n’y a pas d’entité individuelle, séparée et durable en dehors de cela.

Sachant que nous allons mourir, la croyance même en un Soi séparé nous fait souffrir à cette perspective, et bien que la réponse ne puisse jamais être connue, la question de ce qui se passe après la mort revêt une grande importance. Sommes-nous nés pour lutter et souffrir toute notre vie, pour être seulement anéantis à notre mort? Une certaine forme d’existence continue pourrait à première vue sembler préférable. Mais pour ceux qui croient en un Soi continuellement réincarné, la perspective devient bientôt celle d’une souffrance sans fin, solitaire, étant à jamais séparés et en conflit constant avec tout ce qui est Autre. C’est tellement horrible à contempler qu’avant la venue du Bouddha, le but spirituel le plus élevé de beaucoup était de trouver une échappatoire au cycle sans fin de la réincarnation. Souvent, cela signifiait des pratiques spirituelles spécifiquement destinées à provoquer l’annihilation du Soi à la mort. D’autre part, ceux qui croient que le Soi est inévitablement anéanti à la mort, quelque soit ce que l’on fasse, tendent souvent vers l’hédonisme ou vers un nihilisme amoral.

L’autre problème vraiment majeur associé à la croyance en un Soi séparé est qu’elle s’accompagne de la croyance que le bonheur et la souffrance sont le résultat de ce qui arrive au Soi. Cela fait de la frontière entre le Soi et l’Autre une ligne de bataille. Le Soi doit constamment s’efforcer d’obtenir les choses et de créer les circonstances qui apportent le bonheur et la satisfaction, luttant contre d’autres Sois séparés pour ce faire. Et il doit faire de même pour éviter toutes ces choses et circonstances qui le font souffrir. Mais cela nous ramène aux deux premières Vérités du Bouddha, la Vérité de la Souffrance et la Vérité de la Cause de la Souffrance : ce qui nous arrive peut certainement provoquer l’apparition de sensations agréables et désagréables. Mais ce n’est que la réaction de notre propre esprit à ce qui se passe qui transforme une sensation désagréable en une expérience de souffrance. De même, le bonheur vient aussi de l’intérieur, de l’esprit lui-même, non de ce que nous possédons ou de ce qui nous arrive. Il ne peut y avoir de fin à la souffrance avant que la Vérité du Non-Soi ne soit réalisée.

La notion selon laquelle il existe un Soi en dehors des phénomènes mentaux et physiques que nous appelons une personne est appelée éternalisme (que l’on pense que ce Soi dure éternellement ou juste pour une période de temps finie). L’éternalisme est la base de la croyance en un Soi ou une âme qui survit après la mort. Cependant, comme nous l’avons vu, chaque chose ou événement individuel, y compris une personne individuelle, est le lien d’une convergence causale massive [Implication # 3]. Et tout ce qui survient en raison des causes et des conditions est impermanent et doit également disparaître [Implication # 2]. De plus, les «choses» séparées, y compris un Soi séparé, ne sont qu’une illusion. En fin de compte, il n’y a que du processus [Implication # 4].

Cependant, ce serait une erreur de penser que la doctrine du Non-Soi transforme simplement le Soi en un ensemble de processus mentaux et physiques, plutôt qu’en une entité séparée. Si tel était le cas, alors lorsque ces processus se termineraient à la mort, le Soi cesserait d’exister. Ce n’est pas différent de dire que le Soi n’est que le corps et l’esprit, et que ce Soi cesse d’exister lorsque le corps meurt. Cette perspective est appelée annihilationnisme, et est tout aussi égarée que l’éternalisme. L’éternalisme et l’annihilationnisme sont toutes deux des vues erronées contre lesquelles le Bouddha nous a mis en garde à plusieurs reprises.

La doctrine du Non-Soi est beaucoup plus radicale et finalement beaucoup plus attrayante que l’une ou l’autre de ces perspectives incorrectes. Elle déclare qu’il n’y a pas de Soi qui pourrait survivre ou être anéanti à la mort, simplement parce qu’aucun Soi de ce genre n’existe maintenant, n’a jamais existé ou n’a jamais pu exister. Si nous regardons la notion de l’individualité de plus près, on voit qu’elle n’a de sens que par contraste avec quelque chose qui n’est pas le Soi, qui est autre que soi. L’essence même du Soi est la dualité et la séparation, donc être un Soi, c’est être séparé. Pourtant, nous avons vu qu’absolument tout et tout le monde, y compris une personne individuelle, est une partie interpénétrante et inséparable d’un ensemble unique, indivisible, causalement interdépendant [Implication # 5]. Dans cette vision holistique de la réalité, il n’y a pas de place pour des processus séparés qui se terminent indépendamment du tout.

Pour ceux qui ont réalisé la vérité du Non-Soi, il n’est pas nécessaire de demander ce qui se passe après la mort du corps. Le Bouddha refusait en effet fermement de répondre à toutes ces questions, suggérant qu’elles étaient inutiles et une perte de temps. Cependant, parlant dans l’idiome commun de l’époque, puisque le but de la pratique spirituelle était si souvent la fin de la réincarnation cyclique, l’accomplissement de l’Éveil était communément appelé avoir atteint la «naissance finale» et la «fin de la renaissance».

Comme nous le verrons plus tard, le Bouddha utilisait souvent la terminologie populaire de son temps, en changeant le sens pour l’adapter à son propre enseignement. Lorsque nous examinerons l’application spécifique de l’Origine Interdépendante connue sous le nom des «Douze Maillons», nous constaterons que l’idée même de renaissance y a reçu une signification nouvelle, très différente de celle de la réincarnation.

La Vacuité

Bien que n’étant pas à l’origine articulée comme telle par le Bouddha, la Vacuité est un terme plus général qui combine les Vérités de l’Impermanence et du Non-Soi. La Vacuité fait référence au fait que toutes choses, y compris le Soi, sont Vides d’existence propre et Vides de nature propre.

Toute apparence de «chose intrinsèque» est une illusion, projetée par l’esprit sur différents aspects d’un processus unique et interconnecté dans sa totalité indivisible. Ce que nous appelons des «choses» ne sont rien de plus que des convergences momentanées de causes et de conditions, des noeuds en constante évolution de relations causales. Et un «noeud momentané» n’a pas non plus d’existence indépendante. Rappelez-vous, la réalité est qu’un tel noeud appartient à un tout totalement interconnecté, et donc où que vous regardiez dans cette réalité, vous trouverez un tel noeud causal [Implication # 3 de l’Origine Interdépendante]. Comme un œil regardant à travers un tube une partie vide du ciel, l’esprit regardant à travers les organes sensoriels pointe une convergence causale particulière, parmi une infinité de telles convergences, comme étant un objet à un moment donné. Chacun de ces noeuds est réel et unique, son «existence» dépendant de causes et de conditions. Mais son existence indépendante, sa séparation, est une illusion projetée dessus par l’esprit.

En d’autres termes, l’«existence» de «choses» séparées, telles qu’elles sont, dépend non seulement des causes et des conditions, mais de l’esprit qui perçoit comme cause aussi. Notre expérience subjective d’une «chose» est appelée un dhamma. Les dhammas sont des phénomènes mentaux, créés par l’esprit et n’existant que dans l’esprit. Le contenu de tout dhamma spécifique est également créé par l’esprit et n’existe que dans l’esprit.[4]La seule exception importante à cela est l’unique dhamma dont le contenu est le Nirvana ou la Vacuité. Le contenu de ce dhamma est une absence, qui est incréée. C’est ce que cela signifie de dire que «toutes choses sont Vides d’existence propre.» Mais cela ne veut pas dire que les dhammas ne sont pas réels. Juste que les contenus spécifiques, les objets de l’expérience consciente, n’ont pas d’existence séparée en dehors de l’esprit. Et cela s’applique également au Soi personnel. Cela ne signifie pas non plus que «rien existe en dehors de l’esprit». Il y a une Réalité Ultime. Nous faisons partie de cette Réalité Ultime, et c’est la source de nos expériences sensorielles. C’est juste que nous ne pouvons pas la connaître en elle-même. Tout ce que nous pouvons jamais connaître sont les représentations mentales, les «histoires» fabriquées par l’esprit pour rendre compte de ces expériences.

Dans chaque cas où l’esprit impose une essence intrinsèque de «chose», il prend les informations fournies par les organes sensoriels et les organise et les étiquette d’une manière qui leur donne du sens pour lui. Cette signification est alors la «nature» perçue de la chose. Des esprits différents imputeront différentes natures aux mêmes objets sensoriels, et le même esprit imputera des natures différentes au même objet à des moments différents. C’est ce que cela signifie de dire que «toutes choses sont Vides de nature propre.» L’esprit crée sa propre réalité et impute une nature à cette réalité. Cela ne veut pas dire que la Réalité Ultime n’a pas de nature propre. Cela signifie simplement qu’elle est Vide de toute nature autre, créée par l’esprit. En d’autres termes, la nature de la Réalité Ultime n’est pas ce qu’elle semble être à l’esprit, et ne peut jamais être connue directement par lui. Mais cela ne signifie pas que nous ne pouvons rien savoir sur cette nature. L’Origine Interdépendante, l’Impermanence et la Vacuité sont toutes des choses très importantes que nous savons à propos de la Réalité ultime par inférence.

L’Insatisfaction

L’insatisfaction fait référence au fait que la vie, de par sa nature même, est difficile, imparfaite, et a des défauts. Une satisfaction profonde et durable, un vrai bonheur, une libération totale de la souffrance ne peuvent jamais être atteints tant que nous comprenons mal la nature de l’expérience humaine et la vraie nature de la réalité.[5]Le terme dukkha a un large éventail de significations, et les différentes manières dont le Bouddha l’utilise à différents moments se répartissent en plusieurs catégories distinctes. La … Continue reading

Les contenus, créés par l’esprit, des dhammas et la réalité qu’ils tentent de représenter co-apparaissant de façon conditionnée ne peuvent jamais être la source d’autre chose que les plus éphémères des plaisirs. Ce qui est impermanent, fabriqué par l’esprit et dépourvu de toute nature propre ne peut jamais apporter le bonheur. Tant que l’esprit postule les objets d’expérience comme étant réels en eux-mêmes, s’y agrippant en tant que sources de bonheur ou les fuyant en tant que causes de souffrance, le résultat sera l’insatisfaction. Un esprit qui se perçoit comme étant, ou faisant partie, d’un Soi séparé, sera toujours dans un état de lutte perpétuelle et futile avec ce qu’il perçoit comme Autre. La réalité de l’Origine Interdépendante signifie que toutes les tentatives pour contrôler ce qui nous arrive sont vouées à l’échec. Mais c’est la nature même de notre esprit humain de nous percevoir nous-même comme étant séparés, et de supposer que nos états transitoires de bonheur et de souffrance sont le résultat de nos interactions avec d’autres entités séparées. Ce n’est qu’en transcendant notre nature au travers de la sagesse qu’apportent ces Réalisations, et en abandonnant l’illusion qui mène à l’envie, que nous pourrons jamais trouver un bonheur véritable et durable.

Le Karma

La croyance en la rétribution karmique était très répandue en Inde et existait déjà depuis très, très longtemps avant le Bouddha. La croyance en la réincarnation était également très répandue et existait aussi depuis très longtemps. Nous devons donc poser un regard historique sur la forme qu’avaient ces idées avant l’arrivée du Bouddha sur la scène afin d’apprécier comment il les a transformées.

La théorie de la rétribution karmique était assez simple: que chaque action ait des conséquences est un fait évident, bien connu de tous. La rétribution karmique se réfère plus spécifiquement aux conséquences qui reflètent la qualité morale d’une action. Les gens font constamment des choses qui sont bonnes ou mauvaises à un degré ou un autre. Et toutes sortes de choses différentes, apparemment aléatoires, leur arrivent, dont certaines sont bénéfiques et d’autres sont nuisibles. La théorie de la rétribution karmique relie simplement ces deux éléments pour faire du monde un endroit juste et équitable. Selon cette théorie, les conséquences d’actions moralement bonnes sont des événements bénéfiques, qui récompensent celui ou celle qui performe ces bons actes. De même, les actions moralement mauvaises produisent des conséquences douloureuses. Il n’y a qu’un pas simple à franchir d’ici à une théorie globale du karma dans laquelle tout ce qui se produit est la conséquence morale d’actions bonnes ou mauvaises faites dans le passé. Une fois qu’une personne comprend comment fonctionne le karma, alors elle sait également ce qu’elle doit faire pour assurer une existence heureuse dans le futur.

Cette théorie de la rétribution karmique avait cependant un problème majeur. Des gens paraissent souvent bénéficier d’actions cruelles et injustes, tandis que les comportements justes, gentils et généreux semblent souvent ne pas être récompensés. De mauvaises choses arrivent aux personnes bonnes et de bonnes choses arrivent aux personnes mauvaises. La réincarnation résout ce problème, car elle permet aux actes et aux conséquences karmiques de se produire dans des vies différentes. Par nécessité, les notions de réincarnation et de rétribution karmique sont devenues étroitement liées. Non seulement la «loi» du karma exigeait la réincarnation pour qu’elle ait un sens, mais le karma en est venu à être considéré comme la véritable cause de la réincarnation.

Cette combinaison de karma et de réincarnation aidait à donner un sens à ce qui semblait sinon être un monde arbitraire et injuste. Elle donnait une méthode facile à saisir pour atteindre la santé, la richesse et le bonheur, fournissait une raison solide pour agir moralement et rendait l’inévitabilité de la mort un peu plus acceptable. Mais elle laissait encore beaucoup à désirer. Cette vie dans ce monde continue d’être pleine de souffrances. Et même si, en comprenant la loi du karma, une personne créait du bon karma pour sa prochaine vie, elle ne se souviendrait pas de l’avoir fait. Ainsi, elle pourrait très bien se retrouver à dilapider les fruits de ce bon karma tout en se créant plus de mauvais karma par ignorance. Non seulement cela, mais si on considère tout le mauvais karma accumulé au cours d’un nombre incalculable de vies passées, il nous reste encore beaucoup de souffrances à récolter. Il suffit de regarder autour de soi pour voir que la vie est imprégnée de nombreuses formes différentes de souffrance, commençant avec la naissance et continuant avec la perte de ce qui est cher, les blessures, la maladie, le vieillissement et la mort.

La souffrance de cette vie ainsi que le cycle continu de la naissance, de la souffrance, de la mort et de la renaissance (peut-être mieux décrit comme le cycle de «souffrance, mort, renaissance, plus de souffrance et re-mort») en sont venus à être connus comme le Samsara. Au moment de la naissance du Bouddha, le but de beaucoup, sinon de la plupart, des traditions spirituelles et religieuses en Inde était devenu la libération de la rétribution karmique et une évasion de la «roue du Samsara», le processus perpétuel de réincarnation. En d’autres termes, le thème commun de nombreuses religions différentes avant que le Bouddha ne prononce son premier mot était «la libération du Samsara». Cette libération n’avait lieu qu’après que la mort ait mis fin à cette vie présente, était considérée comme très difficile à réaliser et pouvait bien ne pas être atteinte durant de très nombreuses vies à venir.

Si tout cela ressemble beaucoup à la façon dont vous avez entendu les bouddhistes décrire le karma, vous avez raison. Cela étant, vous devriez vous demander: «Alors, est-ce vraiment l’enseignement du Bouddha sur le karma, et sinon, en quoi son véritable enseignement diffère-t-il de ce qui l’a précédé?» C’est précisément ce que nous voulons regarder ici. Il y a une subtilité dans la version du karma du Bouddha qui est beaucoup trop facilement et trop souvent manquée par même les plus ardents bouddhistes.

Pour commencer, le Bouddha lui-même n’a pas atteint sa libération après la mort. Au contraire, il est devenu pleinement éveillé, complètement libéré du Samsara à 35 ans, et a continué à vivre et à enseigner dans le monde pour 45 ans de plus ! Cette notion de parvenir à la libération de son vivant et en étant actif dans le monde était tout à fait révolutionnaire. En fait, la première personne qui a rencontré le Bouddha après son éveil, un moine ascétique nommé Upaka, a remarqué qu’il y avait quelque chose de très spécial en lui et l’a questionné à ce sujet. Quand le Bouddha lui a dit qu’il était complètement Éveillé, Upaka s’est juste moqué et s’est éloigné en secouant la tête. Personne d’autre qu’un imbécile n’aurait jamais dit des choses aussi stupides ! Le moqueur aurait été beaucoup plus à l’aise en parlant avec des bouddhistes tibétains ou theravadins plus tardifs, qui s’accorderaient pour dire que l’Éveil est extrêmement rare et prend de nombreuses vies d’efforts ardus à réaliser !

Mais le Bouddha a passé 45 ans non seulement à dire à tout le monde que l’Éveil peut être atteint dans cette vie, mais à guider des milliers de personnes pour réussir à le faire pour elles-mêmes. Il a enseigné que n’importe qui suivant sa méthode pourrait être libéré dans cette vie même, pas après la mort, et certainement pas après un nombre incalculable de vies futures. D’ailleurs, le Bouddha a découragé quiconque de même penser à d’où nous venons ou à ce qui se passe après la mort. Il considérait ces questions comme une perte de temps et une distraction par rapport à la seule question de réelle importance, à savoir la libération de la souffrance et l’Éveil en cette vie.

De plus, après son Éveil, le Bouddha est dit avoir habité dans la perfection du Nirvana. Donc pendant ces 45 ans entre son Éveil et son décès final, le Nirvana a pris la forme d’une existence humaine dans ce monde même. Ceci est très différent de la vision pré-bouddhiste qui égalait cette vie et ce monde comme le Samsara. L’exemple du Bouddha nous dit que la différence entre le Samsara et le Nirvana n’a rien à voir avec le fait que vous soyez ou non sous forme humaine, et que vous viviez ou non dans ce monde. La libération et le Nirvana ne consistent PAS à s’échapper de ce monde et de cette vie. Au contraire, la libération de la souffrance et l’Éveil de l’ignorance vous permettent d’embrasser la vie et de vivre plus pleinement. Notez l’autre changement important qui s’est produit: le Nirvana a été entièrement intériorisé. Le Nirvana n’a rien à voir avec l’endroit où vous êtes et la forme extérieure de votre existence.

Revenons maintenant au karma. Il est très difficile de concilier l’Origine Interdépendante avec l’idée que tout ce qui vous arrive est une conséquence morale de vos actions passées. Cette théorie du karma ferait absolument tout dépendre d’un ensemble très limité de causes. Mais l’une des implications de l’Origine Interdépendante est que tout ce qui survient le fait en fonction de plusieurs causes et conditions [Implication #3]. Même si nous limitons le karma aux conséquences morales spécifiques de certains actes moraux tout aussi spécifiques, nous devons en quelque sorte suspendre tout autre type de causalité qui pourrait autrement interférer avec l’accomplissement de ce karma. Mais une autre des implications de l’Origine Interdépendante est que rien se tient en dehors de la relation de cause à effet, que les lois de la causalité ne sont jamais violées [Implication #1].

L’ancienne théorie de la rétribution karmique nous conduit également à nous concentrer sur la création d’un bon karma afin que de bonnes choses nous arrivent à l’avenir, et à éviter le mauvais karma pour éviter que de mauvaises choses ne se produisent. Cela a du sens tant que nous croyons que la bonne fortune nous rend toujours heureux et que les évènements malheureux causent toujours de la souffrance. Mais cela ne correspond tout simplement pas à l’expérience de la vie réelle. Beaucoup de gens fortunés sont malheureux et vice versa. De plus, rappelez-vous que d’après les Vérités de la Souffrance et de la Cause de la Souffrance, et d’après l’Insatisfaction en tant que l’une des Trois Caractéristiques, la souffrance et le bonheur ne sont pas causés par ce qui vous arrive. En fait, croire que la souffrance ou le bonheur dépendent de ce qui vous arrive fait partie de l’illusion qui cause la souffrance. La souffrance et le bonheur sont la façon dont votre esprit réagit à ce qui vous arrive. Si cela est vrai, il n’y a aucune garantie que faire de bonnes actions apportera le bonheur. Pire encore, les bons actes que nous faisons, s’ils sont motivés par la croyance et l’espoir de récompenses futures, ne font que renforcer l’illusion qui est à la racine même de notre souffrance

Avec ces problèmes à l’esprit, regardons de plus près la version du karma selon le Bouddha. Le point de vue du Bouddha sur la causalité peut être exprimée comme suit: l’expérience du présent est façonnée par les intentions et actions dans le passé et le présent. Les intentions et les actions dans le présent façonnent à la fois le présent et l’avenir. Les résultats des intentions et des actions du passé et du présent interagissent continuellement. Notez que chaque déclaration comprend à la fois intentions et actions. Comme nous le verrons, la façon particulière dont le mot karma est utilisé en référence à l’intention est précisément ce qui rend la version du Bouddha si différente des anciennes idées de rétribution karmique. Les intentions et les actions sont deux catégories distinctes de causes. Il est donc très important de ne pas confondre ni mélanger actions et intentions les unes avec les autres, et que nous comprenions clairement les différences entre elles.

L’intention comme Karma

Bien que le mot karma signifie littéralement «action», à l’époque du Bouddha il en était venu à signifier plus précisément une action qui produisait des conséquences morales pour son auteur. Le Bouddha a redéfini le karma, en disant:

«L’intention, je vous le dis, est kamma.[6][NdT] kamma est le mot pali pour karma, qui est un terme sanskrit. Culadasa utilise le mot karma, plus connu dans notre langue, dans ses explications, mais les citations du Bouddha sont tirées des … Continue reading En formant des intentions, on fait du kamma par le biais du corps, de la parole et de l’esprit.»

Redéfinir le karma de cette manière fait une différence subtile mais profonde. Dire que le karma n’est PAS l’action, mais plutôt l’intention derrière l’action signifie que les conséquences morales résultent de l’intention, pas de l’action. L’action elle-même peut produire toutes sortes d’autres effets sur la personne qui réalise l’action, agréables, désagréables ou ni l’un ni l’autre. Mais ces effets sont le résultat d’une causalité matérielle. Ce ne sont pas des conséquences morales. Les conséquences morales sont le résultat d’une sorte de causalité mentale qui agit directement sur l’esprit de celui ou celle qui a formé l’intention.

Tout comme il l’a fait avec le Nirvana, le Bouddha a déplacé à la fois le karma et ses conséquences hors du domaine matériel et dans le domaine mental. Cela permet aux actions et à leurs conséquences d’obéir aux lois de la causalité matérielle selon l’Origine Interdépendante, et recentre le karma et ses conséquences en tant que processus interne. De plus, ces conséquences morales ne sont pas affectées par le succès ou l’échec de l’action envisagée. Tant que l’intention est là, le résultat karmique sera produit.

Actions et intentions

Nous pouvons distinguer deux types d’actions respectivement à l’intention. Premièrement, il y a des actions réflexes involontaires qui n’impliquent aucune intention. Ce sont des choses comme le réflexe rotulien, la façon dont vous clignez des yeux quand quelque chose leur arrive dessus et dont vous retirez votre main lorsque vous touchez quelque chose de brûlant. L’autre type d’action est l’action intentionnelle. Celles-ci sont intentionnelles dans le sens où elles impliquent toujours une forme de volonté consciente, que ce soit maintenant ou dans le passé.

L’intention est le précurseur de tout acte de parole et de corps hors des mouvements purement réflexes. Certes, certaines actions intentionnelles peuvent devenir automatiques. Elles peuvent être si automatiques qu’elles ressemblent à des réflexes. Mais ce ne sont pas des réflexes, elles sont dirigées par des intentions inconscientes. Ces actions n’étaient pas à l’origine automatiques, et les intentions derrière elles n’étaient pas inconscientes. Certaines intentions sont donc conscientes, sujettes à réflexion, évaluation et modification avant que l’action ne se produise. D’autres sont inconscientes, produisant automatiquement un acte corporel, de parole ou d’esprit avant même que nous ne prenions conscience de l’intention. Mais avant qu’une intention ne puisse produire une action pour la première fois, elle doit devenir une intention consciente. Cela signifie que toute intention inconsciente qui produit une réaction automatique dans le présent doit avoir été une intention consciente à un autre moment dans le passé. Ces actions ne sont devenues automatiques que par répétition consciente et intentionnelle, et on peut donc encore bien dire tous les actes, même automatiques, ont pour origine une intention consciente.

L’intention provoque donc l’action, mais qu’est-ce que l’intention? On peut définir une intention comme: une impulsion, vers une activité particulière, qui est dirigée vers un objectif particulier. Les intentions sont des formations mentales qui produisent des effets directement sur l’esprit, et indirectement sur le monde matériel via le corps. Chaque mouvement de l’esprit – chaque pensée, idée et émotion – est une activité mentale motivée par une intention, et a un objectif à atteindre. Chaque mot et chaque action corporelle est également précédé d’une intention, et tout comme les mouvements de l’esprit, nos paroles et nos actions sont des moyens vers une fin spécifique. L’objectif final et les moyens pour atteindre cet objectif sont tous les deux inhérents à l’intention. Par exemple, lorsque vous ressentez une démangeaison, elle s’accompagne d’une envie de se gratter. Le grattage est le moyen, le soulagement de la démangeaison est le but.

Comment le karma en tant qu’intention provoque-t-il une augmentation ou une diminution des souffrances futures? La cause de la souffrance est l’envie. La cause de l’envie est la croyance ignorante que nous sommes un Soi séparé dans un monde qui est Autre, et que notre bonheur et notre malheur dépendent de ce que nous pouvons obtenir ou éviter de ce monde. Le but et les moyens pour y parvenir, inhérents à toute intention donnée, ont été façonnés par la vision du monde opérant dans l’esprit qui génère cette intention.

Les intentions malsaines ont leurs racines dans l’ignorance des Trois Caractéristiques et dans l’illusion correspondant à cette ignorance. La force motrice derrière ces intentions vient de l’envie, sous forme de cupidité ou d’aversion. Lorsqu’une telle intention naît dans la conscience, elle sera soit bloquée ou modifiée, soit approuvée et autorisée à donner lieu à une action. Si elle est approuvée dans la conscience, à la fois la vision du monde qu’elle représente et la force motrice qui la sous-tend sont validées et renforcées. C’est ainsi que des intentions malsaines approfondissent notre ignorance et notre illusion, et nous rendent encore plus sujets aux forces de la cupidité et de l’aversion dans le futur. Puisque l’ignorance et l’illusion sont à la racine de l’envie, et puisque l’envie est la cause de la souffrance, les conséquences karmiques des intentions malsaines sont plus de souffrances dans l’avenir.

Les intentions saines ont leurs racines dans la sagesse et la juste compréhension et sont, par conséquent, des Intentions Justes (au sens du Chemin Octuple). Leur force motrice est une forme de non-cupidité et de non-aversion, comme la générosité, la bonté, la patience et la compassion. Lorsqu’une telle intention est approuvée dans la conscience, la Compréhension Juste est renforcée et l’ignorance et l’illusion sont sapées. Le pouvoir que l’envie détient sur nous est affaibli et nous sommes moins sujets à la souffrance. Ainsi, les conséquences karmiques d’intentions saines sont non seulement moins de souffrance à l’avenir, mais un mouvement vers le Nirvana et loin du Samsara.

En d’autres termes, les actes motivés par l’ignorance, le désir et l’aversion rejaillissent sur vous en renforçant l’ignorance et l’envie, vous rendant plus vulnérable à la souffrance à l’avenir peu importe ce qui vous arrive. À l’inverse, les actes motivés par l’altruisme, la prévenance, la générosité et l’amour bienveillant rejaillissent sur vous en vous rendant moins vulnérable à la souffrance et plus enclin au bonheur, peu importe ce qui vous arrive en conséquence. C’est aussi simple que ça.

Les conséquences matérielles dans le monde des actions bonnes ou mauvaises ne sont pas sans importance. Ce qui vous arrive à vous est le résultat d’une causalité physique, biologique et psychologique, et dépend certainement, au moins en partie, de ce que vous dites ou faites. Mais ce qui vous arrive à vous n’est pas une conséquence morale. La conséquence morale du bon et du mauvais karma, c’est-à-dire des bonnes et mauvaises intentions, se manifeste non pas au travers de ce qui vous arrive, mais au travers du genre de personne que vous êtes à qui ces choses arrivent. Et qui nous sommes, fruit de nos intentions karmiques, a également une influence sur ce qui nous arrive. Où nous nous trouvons, les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons, la compagnie dans laquelle nous sommes, la manière dont nous sommes perçu par les autres et de nombreux autres facteurs sont aussi déterminés par qui nous sommes. Mais cela aussi est du domaine des conséquences matérielles plutôt que morales, et est aussi le résultat d’autres types de causalité, pas du karma.

Le bon karma sous forme de bonnes intentions nous pousse vers le Nirvana et la libération, et loin de la souffrance. Le mauvais karma sous forme de mauvaises intentions nous pousse vers le Samsara et une souffrance accrue. C’est la loi du karma enseignée par le Bouddha. Vu de cette façon, le karma peut être utilisé comme une force puissante pour nous rapprocher de l’Éveil dans cette vie même. Et puisque le karma ne nie pas les autres formes de causalité, nous avons plus de raisons que jamais de travailler pour apporter des changements positifs dans le monde au travers de nos actions.

References

References
1 Deux chapitres ont été omis: les 5 Agrégats, et les Douze Maillons de l’Origine Interdépendante.
2 [NdT] Les citations du Bouddha sont traduite par moi depuis leurs versions anglaises incluses dans le texte de Culadasa, qui sont non sourcées.
3 [NdT] Craving en anglais désigne une envie impulsive ou impérieuse – comme une envie de sucreries après une journée difficile, par exemple. Pour alléger le texte, chaque fois que ce terme apparaît, il sera simplement traduit par « envie ».
4 La seule exception importante à cela est l’unique dhamma dont le contenu est le Nirvana ou la Vacuité. Le contenu de ce dhamma est une absence, qui est incréée.
5 Le terme dukkha a un large éventail de significations, et les différentes manières dont le Bouddha l’utilise à différents moments se répartissent en plusieurs catégories distinctes. La Vérité sur la Souffrance fait une distinction entre dukkha comme une sensation physique désagréable ou une douleur ordinaire (appelée dukkha-dukkha), et dukkha comme une souffrance mentale (parfois appelée domanassa dukkha). Ici dukkha se réfère à la fois au stress d’essayer de s’accrocher à des choses qui changent constamment (vipariṇāma-dukkha), et à l’insatisfaction subtile de la vie parce que des objets Vides et des états conditionnés ne peuvent jamais satisfaire nos espoirs et nos attentes (saṃkhāra-dukkha).
6 [NdT] kamma est le mot pali pour karma, qui est un terme sanskrit. Culadasa utilise le mot karma, plus connu dans notre langue, dans ses explications, mais les citations du Bouddha sont tirées des textes pali et reprennent donc les termes de cette langue.

Pratique: s’imprégner du positif

Les expériences positives que l’on a, comme ressentir un sentiment d’affection, de connexion, de sécurité, sont forcément temporaires.

Pourtant, si on se laisse les utiliser pleinement, ces ressentis ponctuels peuvent petit à petit façonner le cerveau pour renforcer la résilience, la satisfaction et l’ouverture de manière durable.

La méthode 📖

La méthode est très simple et on l’a déjà explorée en cours: il suffit de rester quelque temps au contact avec l’expérience quand elle apparaît, plutôt que de passer directement à la chose suivante.

Prendre quelques respirations, prendre le temps d’autoriser le sentiment plaisant à s’absorber physiquement, se laisser vraiment apprécier le caractère nourrissant de ce qu’il se passe. 🌿

En méditation, on n’a vraiment pas grand chose à faire – simplement former l’intention de se tourner dans une bonne direction et laisser les choses changer par elles-mêmes, sans besoin de forcer.

Ça nous connecte à la fois à de l’humilité et à du soulagement: on va cultiver les bonnes conditions, mais ça n’est pas nous qui faisons le gros du travail ! 🤗

Comment l’explorer

La technique a été beaucoup explicitée sous cette forme par Rick Hanson, un psychologue très impliqué en neurosciences et méditation qu’on a vu dans le cycle.

Il l’illustre avec un exercise dans son Ted Talk de façon chouette et concrète: le voici. (Sa partie « Link » peut être un peu à part, c’est comme toujours comprendre le mécanisme qui va nous intéresser 🤓)

Bonnes explorations ! 🌳

La torpeur en méditation

Le sujet revient régulièrement : que faire quand il y a de la torpeur ou de l’engourdissement en méditation ?

D’ABORD, SE RÉJOUIR 👍

D’abord, se réjouir de s’en être aperçu – félicitations ! On sera forcément engourdi.e à nouveau un jour ou l’autre, et c’est une super opportunité d’apprendre à l’accueillir habilement.

RECONNAÎTRE LA TORPEUR 🧐

Quelques signes que de la torpeur forte est présente:

  • l’objet de méditation devient brumeux, a moins de clarté
  • des visions hypnagogiques ou fantasmatiques apparaissent, un peu comme quand on va s’endormir
  • on commence à s’affaisser et se redresser en sursaut

LES CAUSES DE LA TORPEUR

Classiquement, les causes de la torpeur peuvent être triples.

D’abord, le manque de sommeil ! 😴 On est souvent en dette de sommeil, et quand on s’assoit pour méditer on s’en rend compte.
Solution: Prendre une bonne nuit de sommeil quand c’est possible fait partie de la pratique.

L’esprit est moins stimulé que d’habitude ☁️ : Vous commencez à avoir un peu moins de distractions pendant la méditation. C’est une étape normale en attendant qu’il apprenne à s’énergiser de lui-même.
Solution: Rien d’autre à faire que d’appliquer les antidotes, et il s’habituera.

Et enfin dans certains cas, la torpeur peut être une stratégie d’évitement. 🙄 Si un conflit interne ou une émotion inconfortable remonte à la surface, l’esprit peut réagir avec une forte torpeur pour l’éviter.
Solution: Se demander, est-ce qu’il y a quelque chose que je n’ai pas envie de voir en ce moment ?

ANTIDOTES ⚗️

Quelques antidotes, par ordre de force croissante:

  • avoir l’intention d’avoir plus de clarté sur l’objet de méditation (par exemple, au début de l’inspiration former l’intention de voir la fin de l’inspiration avec beaucoup de détails)
  • changer d’objet de méditation pour quelque chose de plus large (par exemple, les sensations du corps entier au lieu de la respiration seule)
  • prendre deux ou trois respirations en gonflant vraiment les poumons, puis en expirant au travers des lèvres pincées
  • ouvrir les yeux
  • contracter tous les muscles du corps jusqu’à trembloter puis relâcher (plusieurs fois)
  • méditer en marchant

POUR ALLER PLUS LOIN : UN ANTIDOTE « MAGIQUE » 🧙‍♀️

Et si tout ça ne fonctionne pas, vous pouvez prendre la torpeur elle-même comme objet de méditation.

Investiguez qu’est-ce vraiment que de la torpeur, par exemple…

  • Comment est-ce qu’elle est exactement ressentie dans mon corps (lourdeur dans mon ventre, légèreté dans ma poitrine, membres anesthésiés… ?)
  • Par quels effets est-ce qu’elle affecte exactement mon esprit (plus ou moins de détails sur l’objet de méditation, plus ou moins de pensées parasites, est-ce qu’elles sont plus courtes, plus longues…) ?
  • De quoi est constitué ce qu’on appelle « torpeur » ?

Parfois cette investigation même fait disparaître la torpeur comme par magie, et de toute façon petit à petit vous apprenez quelque chose sur votre expérience personnelle – top.

SUR LE LONG TERME

La torpeur en elle-même est confortable, et essayer de s’en dépêtrer est assez désagréable. C’est normal et ça fait partie du processus.

Sur le long terme vous prendrez petit à petit le coup de main – elle apparaîtra toujours parfois mais vous serez en terrain connu et elle sera accueillie automatiquement.

Comme toujours, il est utile d’apporter de la curiosité au processus et de savoir que vous n’êtes pas en train d’échouer parce qu’il y a de la torpeur présente – vous êtes en train d’explorer. 🤠

Truthful to the moment – Ram Dass Lecture

In a talk recorded in June 1973, Ram Dass talks about his preconceptions of what spiritual work was and how he came to work on accepting his difficulties as spiritual work as well, as un-spiritual as they may seem.

In hinduism there are 3 main deities: Brahma the creator, Vishnu the preserver and Shiva the destroyer. There is no good or evil one, all of them are part of the normal cycle of life and should be honored. It’s easy to imagine oneself worship or pay one’s respect to the preserver of all things, or the creator of all things, but the destroyer is equally part of the Universe and should be equally honored – which at first does not seem that easy !

So in the Ramayana (a very long epic poem, a very important text in Hinduism) that Ram Dass was studying, it’s said that unless you truly honor Shiva you cannot fully come to God, and that’s something that seems to have led him to a peculiar view of his predicaments – or Shiva’s incarnation in his live.

A very serious meditation retreat

One example: after coming back from India to the US he gave many talks, got surrounded by the American culture and felt the need to get back to India and work on his « holiness » again which he felt was slipping. So he went meditating in Goenka’s 10 day courses, doing one after the other, and after a while he planned a trip to the mountains to work with a respected meditation teacher with just one or two people. He wanted to get out of the western scene in which he somehow always found himself – he didn’t go to India to get surrounded by foreigners after all.

On the way to the festival he meets his Guru Maharaji, to whom he tells that he made serious plans for meditation, expecting praise or blessing. Instead he gets a « Ok, if you want to » – quite anti-climatic… But he decides that that old man doesn’t really know what he says, the festival takes place and he leaves for the mountains to wait for the teacher.

And now day after day more and more foreigners are coming to that secret location, to Ram Dass’ great displeasure. « How did you find this place, why are you here? » « Oh, Maharaji told us to come here and meditate with you! »

And (of course, says Ram Dass) a few days later they receive a letter from the teacher who tells them that due to external circonstances he won’t be able to come. And so Ram Dass ends up stuck with the westerners instead, they end up doing a retreat together, doing meditation and holy practices, and it turned out to be a lovely summer – just not at all the one that was planned.

Cabin in the woods

At least on this occasion he still got to do something that, from the outside, looked like spiritual work. On another occasion Ram Dass wanted to go alone in a secluded cabin in the woods where his only neighbors would be bird watchers to work during 30 days on a small prayer book, repeating it over and over.

So he goes there, he has food for a month and he starts his solitary retreat. Now the first day, he watches TV all day. At the end of the day he is horrified: afraid that he would do that for the remaining 29 days he unscrews the TV from the wall, puts it in the closet behind his bags and goes to sleep. It is scary to meet Shiva in yourself!

The second day, around 5pm, he tells himself « well I could maybe just watch the news… » so he plugs it back in and next thing you know it’s 1 am in the morning. And that goes on for a few weeks, and he would take long baths in the bathtub, and he would eat in front of the TV, and drink beer… And then he became a little be quieter and he started studying the birds, and after 20 days he could sit for a few hours by the river and the TV was not so attractive anymore, and then he stopped watching completely and got into a different space and by the end of the 30 days he was in that very peaceful place where you are after 9 days of quietly watching the mind.

Now it’s quite hard to think about the first part of that retreat as sadhana (spiritual practice), but he had to honor what was really in him at that moment, and what was inside him was that destructive force, and once he let go of the struggle something new emerged.

« Tell the truth baby, truth gets you high »

To accept that unpleasant reality – and it is only unpleasant because you do not accept it, because it goes against a predetermined model you have in your mind and when that model doesn’t fit with the reality of the moment and you still cling to it, suffering emerges – you need to accept the truth of the moment.

One of the main injonctions that Maharaji was repeating to Ram Dass over and over was « tell the truth, always tell the truth ». He’d always catch him telling small non-truths and correct him in his peculiar show-the-contradiction ways.

A man came to visit Maharaji and the guru starts telling him about Ram Dass, about how important he is in America, how well respected, a professor at Havard et cetera et cetera, all these things that Ram Dass had found unfulfilling and led him to India. Now the man becomes very impressed and offers Ram Dass to visit the local justice court room and maybe give a speech.

But Ram Dass comes from a family of lawyers and certainly didn’t come to India to visit courtrooms, so he politely says « that would be lovely, but I have to ask permission from my guru » to which Maharaji answers « Oooh if Ram Dass says it would be lovely then certainly it would be lovely ». Honoring the truth, moment after moment after moment!

Phony holy

That became sort of a problem for him when he got back in the West, where you usually need to know in advance where you’ll be later, both spiritually and physically.

He would spend an evening with people and he’d be filled with grace and lovingkindness and they would be into a really groovy place so they would convene that they would be his guests the next day. And the next day comes and after waking up all that Ram Dass wants to do is watch TV. They come up in the driveway and he’s all « Do I have to see them today? » So he hates them because they’re here and he just wants to watch TV. Note that he does not want to hate them, he’s a holy man and he wants to love them but he does hate them because he wants to watch TV though he does not want to want to watch TV but…

So he would take his role and put on his benevolent smile and the robe and the necklace and he would play the part but it all seemed pretty fake, quite phony. So after a while he decided that he would not act as if he were somewhere he’s not; if he’s feeling holy and radiating then he would be with people and if not then he would stay solitary and study or pray or meditate. Of course that requires to be truthful to the reality of the moment…

A Gandhi story illustrates this well: Gandhi was leading marches in India, and he realized that the march was not going to end well and was done for the wrong reasons so days before he told his lieutenants that he was going to cancel it. « – But Gandhi-ji you can’t do that, people have left their jobs, traveled across the country to participate with you! » « – Yes, but only God knows absolute truth. I’m a human and I only know relative truth, which changes from moment to moment. And my commitment must be to Truth, not to consistency. » Wrap your head around that one!

RUNNING 100 KM

We reach the starting line as the sun is still asleep.

Camargue, South of France, is not as cold in September as I feared and I can leave my running pants in the drop bag – the lighter my backpack will be, the easier the race. I spent quite some time the previous night optimizing it, filling it with various cereal bars, sunscreen, seeds to spice up the drinks…

My backup huarache sandals broke yesterday evening, so my Five Fingers shoes will have to do all the way.

Finding a shoe friend
Finding a shoe friend

In the bus I ate a bit of bread, slept and spoke to a few other runners: most have already done the distance (or more) and they usually aim at a longer time than me. A bit of a shot in the dark, I’m hoping for 12 straight hours of running, which would make me arrive at 7 pm. My longest race so far was during training, 58 km in 6 hours 22.

At the start
The starting line

After a short speech on path marking, at 7:05 am, we jump across the starting line.

0 to 20 km: warming up

The start is enthusiastic and a bit fast for my taste. I read that one of the classic ultra rookie mistake is to go too quickly at the beginning (which as it will turn out, I am still going to make!) so I fall down to the back of the pack. I’m not racing against anyone else, goal #1 is to finish.

After a few kilometers in the village we reach a dirt path and quickly get into a salt marsh (the place where they dry sea water to extract salt): in front of me is a line of runners and on both sides of the road is the marsh.

The sun starts to rise, we are surrounded by water, a beautiful start!

The rising sun
First rays of light above the salt marsh

One runner has adopted my pace and we run alongside. He says he hasn’t trained a lot but has done the race before, he just wants to improve his previous time and finish before 10:30 pm. Last time he crossed the finish line, went to his car to go home but immediately fell asleep inside until 2 am, then swore he would never run it again. Runner’s promise…

We don’t speak a lot but we both can use the company, seems it’s going to be a long day!

The wind picks up as we go through long straight lines and I have to run harder to keep my target pace of 9 km/h – definitely my first mistake, I should have slowed down (constant energy output is the goal, not constant speed).

Long straight lines
Long windy straight lines

Getting out of the salt marsh, we get to the beach and run a 4 km stretch in the sand. The sand is wet and we need to push harder to move, combined with the wind it takes quite some efforts to run. Since we feel strong we soldier on – the speed is still slow so we should be good, right?

Sand everywhere
Sand everywhere

20 to 40 km: this ultra thing is going to be easy

Out of the beach and back into the salt marsh, then on the beach-side where we cross path with many bikes, horses and people walking. It’s nice to see some animation and the landscape is beautiful, the wind starts to fall, the sun is up and not hot yet…

A great day to run!

A typical view !
Horses and pink flamingos, typical view from Camargue

We started 3 hours ago but time seems a bit meaningless, I still have (at least) 9 hours to go. The end goal feels very abstract which makes it quite easy to forget, allowing to just focus on enjoying the run, here and now. Interesting effect!

After other looong straight lines we arrive at Saintes-Maries-de-la-Mer where at km 33 is the first big aid station. My running buddy is going to stay and enjoy some massages, I feel great so I just zip through and I’m out 2 minutes later, after thanking the volunteers and refilling my bottles.

Grassy trail
Grassy trail

I feel really good and almost want to speed up – which I don’t, fortunately! If I had been more observant I would have noticed that the sun had been heating up for the past hour and though I had a full-on « runner’s high », my legs were starting to tire.

For the moment though I can stay oblivious to all that and happily focus on the grassy trail and the pleasant sensations – we’re running on a sunny day!

40 to 60 km: getting slowly cooked

Ok, now I definitely feel that my legs are getting heavy. I remind myself that this is where the training kicks in: no need to panic, an ultra is all about running on tired legs. The feeling came quite late already, trying to predict how the legs will feel 60 km from now is useless.

First marathon of the day!
First marathon of the day!

We keep running, cross rivers, I make some iskiate (by adding chia seeds and honey to my water bottle, a drink described in Born to Run – I’ve read the book again the past week to get me in the mood, it worked!) which makes a nice change from plain water.

It also helps to carry that second bottle, I’m now drinking a full liter of water in the 10 km between aid stations.

Crossing the knee high water
Crossing the knee high water

Then the serious work begins, as we reach the second beach section. It’s half past noon and the sun is scorching, reflecting on the dry white sand. The body is heavy, the ground is dry, the air parching… also, it’s incredibly beautiful around.

Deep blue sky, crystal clear water and white sand – I’m a beach runner by heart and a smile reappears in the heat. I only wish I didn’t have any shoes and could feel the earth directly, but I don’t want to risk getting irritated feet with 50 km to go.

Running on the superb beach
Running on the superb beach

So for a few blessed kilometers, the spirit is high and the body is cooling itself best as it can. We reach the 56th km aid station, where they tell us how far we have run and warn that the beach is ending: we’ll now only have solid ground.

I remember thinking: « so this is the state I’m in when taking the first steps of a full marathon? Sure, right on… »

60 to 80 km: Hell on Earth

We’re back in a salt marsh. With the sea gone, so is my strength boost. Just more long straight lines on a dirt road with next to no tree. Since the sun came up we didn’t go through a single shaded area.

As much shade as you get
As much shade as you’ll get

It’s a private area so we do not run into anyone: there’s one runner a few hundreds meters in front of me. He looks like he’s struggling. I know I look the same to the one behind me.

Things are starting to get really, really tough.

It’s almost 2 pm and the unforgiving sun makes it hard to think – the memories get blurry. I know I need to eat a cereal bar every 40 minutes or so, I can read the current time on my watch but it’s impossible to remember when I took the last one (10 minutes? One hour?). I have already eaten around 15 and they’re not very appealing but I have to force myself and keep eating. When my head starts to hurt I’m assuming it’s because of hypoglycemia, so I use that to time my intakes. It seems to work.

All I want to do is walk for a while, like I’m seeing some other runners do. I know I’ll probably have to at some point but if I start now with 40 km to go, when will I reach the finish line? At the aid stations walking also seemed more painful than running anyway, so I push forward.

See all these clouds?
See all these clouds?

Usually in that state I would start breathing heavily and letting my mind go a bit delirious (roaming free, talking to myself, sometimes singing), which helps ease the mental pressure for a bit. But again, it might work for 15 km, and then what, I’m even more exhausted? I try to stay in control of the breath and focus on the now, to fix my tumbling stride, to not let go.

At the same time I know a run is best when you do let go and find a place where you can run for the joy of it – doesn’t have to be fast, just joyful. No point in running to fight or « win » against the trail (you won’t), trying to swallow any difficulty thrown at you with gritted teeth and a deep, serious frown.

Running needs to be light, if not in the outside form then at least it in spirit!

So I try to plug into that, forget the goal, the next aid station, everything. And it works for a short while but the sweltering heat melts my focus, time after time after time… (more training is needed!)

I cry tears of relief at the aid station at km 64 and it’s the best thing in the world. I can’t wait for doing the same thing at the next one (located on km 72) but it’s too far away: it’s hidden behind a house and just 150m before reaching it, mind completely out of sync with the body, I stop and walk.

The volunteers are kind (and a bit worried, because all other runners are red and I’m very white) and have put a bench in the shade, which I sit on and try to pick up pieces of myself and mend my spirit. After a few minutes I notice I’m hearing a song they’re playing on an old boom box, what a great idea! For the first time I grab my earphones and put on some music myself – instant relief and suddenly my mind feels clearer, connected to a time when I was not running for hours in hellish temperatures.

Mountains of salt
Mountains of salt

I get up and start again, running slowly and making a few breaks. I pass giant mountains of salt and reach km 75: my younger brother, who agreed to pace me for the last section on the race, is finally here!

I had been anticipating that reunion for the past 10 km, it’s both a great joy and relief. It’s also a difficult transition: after 40 km alone I suddenly have someone to talk to (and am back to no music). It breaks the monotony but I don’t have the focus to try to push through difficult times any more.

So we run for short stretches, walk for short stretches, talk a bit and move slowly through the city of Aigues-Mortes, where the second big aid station is located.

80 to 99 km: nothing left in the tank

At km 81 is that big aid station, where I was hoping to find therapists and osteopaths like in the first one – no such thing here, just some salty food and the usual tireless volunteers. We take a break but I’m starting to get frustrated with our pace – I didn’t come here to walk the whole way!

Being a bit refreshed, I discuss it with my brother and he’s – obviously – fine with me putting back some music and getting more focused. Good pacer!

We take off and suddenly I’m on a cloud. Everything is easy and I start to pick up the pace – almost 10 km/h, the hard part is over, this thing is finished in less than 2 hours!

So I go fast, fast, too fast… And after ~6 km I realize I’m getting slow again and I’m not flying anymore and I really want to stop just a minute…

Beware of the burning desire to sprint on your 85th kilometer!

Second marathon of the day
Second marathon of the day – I know what it looks like, but I felt I was flying!

We walk a little bit. But no broken spirit this time, the sun has started to go down and now that I can think again I’m getting used to having nothing in the tank.

The trick to quickly getting back to running is jogging very slowly, almost on the spot – it’s hard for your body to refuse, that sounds easy. Then the legs get frustrated: if they’re going to run, they might as well really run.

So over a couple dozens of meters you pick up the pace and have gotten into a decent running speed, not by forcing yourself but by letting your desire to run drive you.

The joyfulness is back in running!

Facing the sun
A joyful run

I’m getting more and more tired and the kilometers are not getting any shorter but I feel like I know better how to handle it. My brother is a great support and offers to take my bag for the last 10 km, never would have thought of that! (also technically not allowed? I still don’t take anything from him outside of the aid station, per regulation, so let’s call it a grey area)

The sun has set now, which is a help of its own – without it I enter hypothermia and my teeth start shaking if I stay motionless for more than a minute at aid stations, great motivation to get up and move! The mosquitoes also make less appealing my tantalizing fantasy of lying down in the grass.

99 to 100 km: flying

A few kilometers running, a little walking, rince and repeat… We reach the city of Vauvert, it’s now 1 km to the finish line! That’s the signal for an all-out sprinting session: picking up pace, going fast, faster, faster still, nothing matters excepts the sweet feeling of the race, no trying to save any energy any more, being sky high on endorphin.

We pass some startled volunteers who struggle to point to the correct direction in time before we reach them and finally, the jump across the finish line!

Finish line!
Finish line!

Post-race, take away and ressources

I finished in 13 hours 35 minutes, arriving around 8:40 pm, which still puts me in the first half of the finishers. The goal #0, learning stuff during a fun race, has definitely been reached.

It’s also great to have been to that place of exertion where you don’t feel like taking another step and everything is hurting but you still go and keep going for hours and for a while you are not tied to the body anymore and your spirit is free to fly. The 13.5 hours race gave me plenty of time to go there!

Blissful exhaustion
A few seconds after the finish line – blissful exhaustion

What I would change

I believe I didn’t reach my target of <12h because of mental breakdown more than anything else: I pushed myself too hard during the 60-70km stretch, refusing to slow down in the heat or walk for a minute.

At km 72 aid station my spirit was more or less broken and I couldn’t push anymore, I spent 10+min resting in each of the following aid stations – staying more than 2 minutes doesn’t change anything physically, but I needed it mentally.

If I learned to slow down and take it easier in the hottest part of the race I could have saved almost an hour and the race would have been much more fluid. Know when to push and when to be kind to yourself!

Training-wise: I only did one 58 km run in preparation, I think doing more long runs would have be very beneficial – getting more experience dealing with a tired body.

Getting some healthy meals prepared in advance would have been great to avoid getting less ideal food when the energy and motivation are low.

What worked really well

The main take away for me is the importance of having people cheering you and wishing you well. You read or hear it the speeches of many great athletes thanking coach family and friends and it’s more than a graceful gesture: in difficult times it’s a very down to earth, practical, physical kind of relief sensation. (At least it was for me.)

Countless times I thought about people who had a kind word, or I took a quick peak at the cheering messages I had received between aid stations. When everything is blurry and hurting, it really helps!

Eating vegetarian unprocessed food seems to have worked, since I was already running and feeling great the day after. (« No meat athlete » – there’s a blog and a book – and Eat and Run are both good ressources, with a wealth of running stories/advice. N=1 in the present article but you can find studies…)

Remembering why I like to run during the difficult times: I had prepared some quotes from ultrarunners that I like to read during the race and I of course lost the paper right at the starting line. But I knew some of them by heart and that helped a little.

I remember around km 80 thinking, after a while wallowing in self-pity, « Wait, it’s painful and uncomfortable but I don’t care about that stuff. Why am I beating myself up? This is a pretty fun adventure ». Self-pity will get you out of touch with the present moment (and vice-versa), no dwelling in it!

Gratitude

Again, all my gratitude to those who sent, said, asked or thought something nice, or showed a trace of interest, or just a smile on the road – you were with me for 14 hours. Many many thanks to my brother Jonathan as well, for waiting hours in that mosquito-filled area and pushing me on those final kilometers – you deserve that medal!

And of course, thanks to the other runners, to the organizing team and all the nameless volunteers generously giving time and good spirit for this Grand Raid de Camargue and making it such a generous & fun event.

See you on the next one!

https://www.strava.com/activities/1873763578

FREEDIVING UNDER THE ICE – PÄIJÄNNE ON THE ROCKS

I arrived in Finland for Päijänne on the rocks, a yearly under-the-ice diving event organized by Antero Joki, after a long day of travelling. In the national park is a beautiful frozen lake surrounded by forest and deep silence.

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View from the accomodation

Sonnanen, Johanna Nordblad and Kiki Bosch

We started our first morning together with a short briefing by Antero before going to Sonnanen, a lake clearer and bluer than our red Päijänne, to meet with Johanna Nordblad (freediving world champion in DYN and record holder for distance under the ice without a suit with 50m) and her sister.

I had watched her videos from that lake many times – they were the inspiration for me to come dive under the ice in the first place, so that’s quite a way to start!

We spent some time digging the diving holes and cutting open a swimming pool for later training. Cutting the thick ice is a pretty physical activity:

[wpvideo Z9696BRK]

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Cutting a diving hole

Water is around 1°C just under the ice and during our stay the air was between -7°C and -13°C. Many small things change when freediving in these conditions, which can throw you off at first.

A simple example: I tried to clean my mask by dipping it into the water as usual and it froze instantly when I took it out, making it foggy with ice. It’s alright if you know how to handle it: the water melts again when going underwater on your first dive after which you can empty it, giving you a nice clear mask.

Metal sticks to everything and if you leave the holes for too long you need to come check and re-open them – the ice will form again. Because I had a 7mm open-cell suit and we were diving at around 1m depth (neither the lungs nor the suit get compressed) I was quite buoyant even with 8kg on my weight-belt, so I was always pushing away the ice with my hands.

A far cry from the Filipino waters where I learned to freedive!

All of that made me very clumsy under water. However, even with a mask half-filled with freezing water, it’d be hard to not be amazed by the dark scenery under the ice. Diving upside down in that strange environnement really feels like being in a completely different world.

At one point one of our fellow freediver went without a wetsuit from one hole to another under the ice – which is something I had also always wanted to try.

She made it look very easy: her name is Kiki Bosch and as I discovered later she’s well known for evolving in the cold, I had already seen some of her work. So after discussing with her in the sauna by the lake (it seemed like half the buildings in Finland are saunas; my sample data might be biased), she was kind enough to coach me through a short swim in the pool we had just built.

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A refreshing pool

For me, the experience was definitely one of the highlights of the event. Entering the water is easy: I felt strong tingling everywhere from the extreme vasoconstriction but no cold for the first few seconds. The body then quickly goes into shock and I had to really focus on my breathing to keep control of it – all the air felt sucked out of me.

My body went into survival mode and really forced me into the moment; my mind was empty and very sharp, witnessing the new sensations without getting attached to them. It’s a great meditation tool!

I stayed a little more than a minute before I felt my body was starting to not respond any more so I got out –  I’m guessing I just didn’t know what those strange new sensations were and could have made the immersion last longer.

Kiki says that after a few minutes you need to keep a very strong focus inward to stay heated and need a lot longer to recover your body heat. That all sounds extremely interesting and I’m very curious to experience that by myself.

Paijanne and night dive

We went back to the Paijanne lake where we had three lines set up (2x25m, 1x30m), which was longer than what we had at Johanna’s (~15m).

First dive in the darkness: very intense! Under the ice you have zero frame of reference and get lost extremely quickly (everything looks the same in all directions and you don’t see the holes if you’re more than 2-3m away).

Of course the darkness is exacerbated by the night, even if Antero and the orga team had put some colorful lights on the underwater paths.

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A dim aurora was above us during the night dive

The dives are only 35-40 seconds but on the first one I was *not* relaxed, it felt too long and I saw my mind starting to race – « should I panic? ».

I’ve had this feeling appear during uncomfortable deep dives and it’s helpful for me to recognize when the question pops up: I’m pretty sure the answer is always no, so I relaxed my neck, gave up thinking about the hole and focused on the pleasant sensation of each kick.

Losing any external idea of where you are and when you can breathe definitely helps being focused on yourself and on what you are doing this exact second!

Paijanne by day

Even by day, the light seems to only go through the ice vertically instead of scattering everywhere, so you just have a luminous circle of a few meters around you and everything else is pitch black. Looking down you only see a black hole.

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Freediver coming from the darkness

By the end of the three days I had started to become much more comfortable under the ice (still clumsy though!), I was beginning to enjoy caressing the frozen lake from below and doing longer distances…

From another world
From another world

Diving into the black hole…

… or running underwater!

Ending and take away

The event concluded on a heart opening talk by underwater and storytelling photographer Nanna Kreutzmann (you can check out her great work on instagram) followed by Miguel Lozano with another talk – « Secretos de un apneista » – on training, world record attempts and learning about restraint.

A few take away from this whole event:

  • Exposure to cold seems a very interesting tool for showing clearly the inner working of the mind and learning to maintain a strong focus
  • I only did a few longer dives towards the end and they were quite different from the short 25m ones, I definitely want to try that again (with a bit more weight to be closer to neutral)
  • GoPro are very convenient but if I want to make really beautiful pictures in these conditions I need more than that (see any of the instagram linked for superb pics)
  • Paijanne is an amazing setting to explore and dive in and the under ice world is mesmerizing

Very grateful to Antero and the organizing team for their hard work, Kiki for the cold experience, Johanna and her sister for sharing their lake, Geraldine and her French group for the meals and yoga on ice by -13°C.

Many thanks also to all the freedivers over there who really created an atmosphere of fun and pervading kindness, and made it such a nice experience!

Literally chilling after a long day
Literally chilling